185 Chemin des Agriculteurs (Pierrelatte, Drôme)

 

La fouille située au 185 chemin des agriculteurs, sur la commune de Pierrelatte dans la Drôme s’est déroulée du 13 janvier au 16 mai 2025. Cette opération préventive s’est tenue conjointement au démarrage du chantier de construction d’une plateforme logistique par la SCI ETCHE PLAC.
Cette fouille fait suite au diagnostic réalisé par l’INRAP entre mars et avril 2024, sous la direction de C. Chatellier (Chatellier (dir.) 2024).
Cette opération de diagnostic avait mis en évidence la présence de vestiges d’occupations attribuables aux phases moyennes et finales du Néolithique, ainsi qu’à l’âge du Bronze, mais également ceux d’une occupation plus diffuse se rapportant à la période antique, aboutissant à la prescription d’une surface à fouiller de 25500 m².
Le site est situé au sud-est de la commune de Pierrelatte, en plaine tricastine, à 6 km à l’est de la rive gauche du Rhône et bordé à l’est par le canal de Donzère-Mondragon.

La fouille extensive de l’emprise prescrite a confirmé la présence d’occupations diachroniques néolithiques et de manière plus sporadique celle de structures antiques.
Les niveaux d’ouverture des structures ne sont pas conservés, celles-ci apparaissant en moyenne à 0.90 m de profondeur dans un horizon de limon sableux-gris à inclusions ferro-manganiques. Sur les points hauts du paléo-relief, l’horizon encaissant correspond à une croûte calcaire, difficilement lisible en plan car porteuse de « plaquages » sédimentaires résiduels piégés dans des cuvettes de dissolution du niveau.
D’après les premiers regards posés sur le mobilier lithique et céramique issus des fosses et des horizons sédimentaires concernés, deux pôles chronoculturels sans doute non exclusifs sont pour l’heure reconnaissables.
Un pôle laminaire affirmé semble caractériser une ou plusieurs phases du Néolithique moyen rhodanien, peut-être marquant le début et la fin de la période. Le Néolithique final est quant à lui représenté par des fragments de lames robustes dont une à dos poli, importées depuis les ateliers provençaux d’Apt-Forcalquier. Une ultime phase de la période est représentée par quelques décors céramiques caractéristiques du Campaniforme.
Malgré cette présence d’occupations diachroniques, les vestiges néolithiques se répartissent au sein de secteurs remarquablement structurés, qui agrègent des installations relevant pour bonne part de la sphère domestique. Il s’agit de bâtiments et de probables greniers sur poteaux, associés tout du moins spatialement à des palissades et à des enclos (fig. 1).
Parmi les ensembles bâtis quatre plans parfaitement lisibles correspondent à des maisons rectangulaires ou trapézoïdales, avec ou sans absides, à deux nefs séparées par une ligne faitière centrale. Le statut de 6 autres bâtiments reste en suspens, qu’il s’agisse d’édifices à vocations artisanales ou de maisons de plans incomplets.
Deux bâtiments néolithiques présentaient dans leur espace interne une fosse comprenant la probable inhumation d’un individu juvénile, l’une datée du Néolithique moyen et l’autre du Campaniforme (fig. 2 et 4).
Les fosses silo associées à l’habitat sont peu nombreuses mais présentent pour la plupart des comblements fortement anthropisés à rejets de mobiliers détritiques : rebus de structures foyères, meules et molettes fracturées, terre crue, céramique, silex… L’un de ces creusements a livré une série lamellaire attribuable dans l’attente de précisions au Néolithique moyen, accompagnant plusieurs récipients céramiques dont l’un d’eux présentait en surface des esquilles osseuses brûlées, témoignant d’une possible crémation.
A proximité des ensembles bâtis ENS013 et ENS014, un remarquable dépôt mobilier a été retrouvé en place au cœur d’une petite fosse en cuvette (fig. 3). Entre 200 et 300 pièces débitées en silex y étaient encloses par une probable enveloppe en matière périssable. Ces pièces attestent d’une grande homogénéité technologique comprenant un ensemble de produits laminaires bruts, de tablettes d’entretien et de leurs nucléï afférents, ainsi que des esquilles et des débris de de taille. L’impression livrée par l’ensemble est celle d’un instantané d’une chaine opératoire productive néolithique, figée par l’ultime geste de dépôt d’un artisan tailleur.
Ces vestiges d’habitat comprennent également une vingtaine de foyers à pierres chauffées ainsi que neuf puits ou puisards ayant atteint les niveaux des anciennes terrasses de galets et la nappe phréatique, entre 3 et 3,50 m sous la surface actuelle.
Trois de ces puits ont été aménagés au fond et en bordure d’une remarquable et large dépression subcirculaire peut-être d’origine naturelle, utilisée durant le Néolithique et mesurant 11,6 m de diamètre. Les comblements faiblement anthropisés des structures hydrauliques profondes ne livrent que peu d’éléments de datation mais les prélèvements systématiques effectués dans leur Us basales seront sans doute riches d’informations paléoenvironnementales et complèteront les premiers indices de datation qui documentent pour l’heure le Néolithique au sens large. Le comblement médian d’abandon de l’un de ces puits a en outre livré l’inhumation d’un jeune individu immature déposé en bord de creusement.
Concluant ce rapide tour d’horizon des vestiges néolithiques, il faut mentionner un enclos fossoyé circulaire de 17 m de diamètre environ qui ne recelait en son sein que de rares creusements de petites fosses livrant de rares restes céramiques. Sa possible vocation funéraire sera appréciée au regard des structures similaires découvertes lors de la fouille du site de la rue de la Quincaillerie située plus au sud et réalisée en 2024.

Les vestiges attribués à la période antique sont quant à eux inégalement répartis sur l’emprise. Au sud, ils se limitent à deux fossés rectilignes parallèles alignés sur le parcellaire du cadastre B d’Orange (fig. 5). Leur caractérisation en tant que fossés bordiers se heurte pour l’heure à la reconnaissance d’aménagements afférents clairement identifiables.
Vers le nord, quelques fosses rectangulaires empierrées évoquent des pratiques agraires sur la parcelle, tandis qu’une imposante fosse polylobée a recueilli dans son comblement d’abandon des restes céramiques, notamment d’amphores et de sigillées, suggérant la proche présence d’un habitat antique du premier siècle de notre ère.

La découverte puis la fouille du site du 185 chemin des agriculteurs de Pierrelatte témoigne de remarquables vestiges d’occupations domestiques néolithiques. Leur potentiel heuristique restant à exploiter touche notamment les modalités d’implantation de l’habitat encore très mal connu durant le Néolithique moyen et final dans le carcan paléoenvironnemental de la moyenne vallée du Rhône.

Référence bibliographique
Chatellier 2024 : CHATELLIER C. (dir), MORIN E., GABRIELLE M., HASLER A., SAINTOT S., MONCHABLON C. – 185 chemin des agriculteurs Pierrelatte, Drôme, Auvergne-Rhône-Alpes, Rapport de diagnostic, Inrap, SRA, 178 p.

INTERVENANTS :

Aménageur : SCI ETCHE PLAC
Prescripteur : DRAC – SRA Auvergne-Rhône-Alpes
Opérateur : GME Paléotime (mandataire) / Acter



AMÉNAGEMENT :

Plateforme logistique



LOCALISATION :

 


 
← Retour à la liste des fouilles préventives