La fouille préventive sur le site des « Collombières » fait partie de la dernière phase d’extension de la carrière à granulats de la firme VICAT sur la commune de Saint-Jean-le-Vieux. Elle s’est déroulée du 27 février au 19 mai 2017 et fait suite à un diagnostic positif réalisé en 2010 (Raynaud 2013). Au total 17320 m² ont été ouverts, avec des limites d’emprise dictées par la recherche d’un maximum de structures archéologiques et par un souci de compréhension et d’intégration spatiale de cette campagne dans le vaste ensemble d’occupations diachroniques révélées par les fouilles antérieures (Frascone et al. 2010 ; Patouret 2017).
1. Les contextes environnementaux et archéologiques
Localisé aux piémonts des contreforts du Jura, le secteur des « Collombières » fait partie des anciennes terrasses fluvio-glaciaires de la vallée de l’Ain, composée de galets polygéniques calcaires (UPS 4). C’est au toit de cette formation qu’apparaissent toutes les structures, aussi bien naturelles (systèmes racinaires, chablis) qu’archéologiques et pour toutes les périodes concernées. S’ensuit un dépôt sédimentaire de couleur brun foncé (UPS 3) uniquement préservé dans les irrégularités du substrat, surmonté de limons bruns correspondant au développement de l’horizon B du sol actuel (UPS 2). Cette séquence est couronnée par la terre végétale perturbée par les labours actuels (UPS 1).
D’un point de vue archéologique, de nombreuses périodes sont présentes aux lieux-dits « les Collombières » et « au Molard » : monuments funéraires de type Passy et sépultures individuelles pour le Néolithique moyen, un ou deux bâtiments à double abside pour le Néolithique final ou les débuts de la Protohistoire, plusieurs petits bâtiments sur poteaux de type grenier et des enclos pour la Protohistoire, au moins un enclos, un bâtiment et une voie pour la période antique.
2. Les monuments funéraires du Néolithique moyen
Les premières traces d’une implantation pérenne sont celles d’une vaste nécropole funéraire avec au moins quatre monuments de type Passy. Ils viennent compléter les vestiges de même nature mis au jour sur la fouille de 2008 et peut-être sur celle de 2015. La répartition spatiale de ces monuments fait état d’un maillage lâche. La possibilité de monuments érodés ou à peine visibles n’est pas exclue, au vu de certaines traces repérées par drone. Le prolongement évident d’un monument au-delà de l’emprise de fouille indique une extension probable de la nécropole au moins vers l’ouest. Deux orientations préférentielles se dégagent, à savoir un axe nord-sud et un autre est-ouest. Les plans, partiels ou complets, font apparaître incontestablement certaines caractéristiques comparables aux monuments du site éponyme : accès en forme de pince de crabe, longs côtés subparralèles au tracé plus ou moins sinueux et abside à renflement latéral. Le taux de conservation est faible, allant d’une trace superficielle visible par photographie aérienne à des segments d’une dizaine de centimètres de profondeur. Au niveau des segments les mieux conservés, le profil longitudinal est linéaire et le profil transversal en cuvette à parois et fond plus ou moins réguliers L’existence d’une palissade, simple ou double selon les cas, est posée, mise en doute par la présence de fragments importants de céramique à plat dans le comblement. La contemporanéité du mobilier avec le monument est également posée, avec probablement deux événements majeurs, indiqués par les styles céramiques et en partie par le mobilier lithique : l’acte de fondation ou peu après, daté sur charbons de 4690 AEC, et une autre activité (cérémonie ?) dans un deuxième temps et sans doute bien plus tard, au cours de la deuxième moitié du 5e millénaire. Une structure à galets chauffés en quartzite est contemporaine de la construction du monument, datée sur charbons de 4760 AEC, et en interaction avec celui-ci.
En premier aperçu, le corpus céramique, très dégradé par les processus post-dépositionnels, est constitué de plusieurs individus non décorés à profil segmenté ou en S, à fond plat, et d’une forme ouverte basse. Stylistiquement, cette série indique des affinités septentrionales récentes de mouvance Cerny/Michelsberg, voire avec le Néolithique Moyen Bourguignon, plutôt que du Saint-Uze.
3. Les sépultures individuelles
Un groupe de trois sépultures individuelles à inhumation a été découvert au nord d’un autre monument funéraire de type long. Il s’agit de deux femmes et d’un homme, déposés en décubitus ou en procubitus latéral gauche avec une hyperflexion des membres inférieurs. La décomposition des corps a eu lieu en pleine terre avec possibilité d’un aménagement de type couverture dont il ne reste plus d’indice. Le poids des sédiments a entraîné la mise à plat des volumes ainsi que des désarticulations. Les trois corps sont d’orientation différente, sans mobilier accompagnant. Les comblements recelaient quelques artefacts, souvent chauffés, et des charbons de bois de chêne, érable et Maloïdées. L’une des sépultures (F176) comportait un aménagement interne constitué de deux « banquettes » de gros galets calcaires. L’homme de F173 était affecté d’une fracture ouverte à la jambe et avait comme dépôt un pseudo-pendentif en terre cuite. Les trois dates radiocarbone sur os donnent 4750, 4620 et 4350 AEC.
4. Un site à vocation domestique dès la fin du Néolithique ?
Le site prendrait ensuite une vocation plus domestique avec la présence très hypothétique d’un grand bâtiment à absides, très mal conservé, mais très semblable au niveau de l’orientation et des dimensions à celui mis au jour en 2008. Aucun mobilier ni aucune fosse à rejets de détritus n’ont été découverts aux alentours.
Quatre greniers sur poteaux et un probable bâtiment à six poteaux attestent d’une occupation rurale et agricole durant la Protohistoire. Les greniers sont installés sur la rive occidentale d’une longue dépression humide d’axe nord-est/sud-ouest, tandis que le bâtiment à six poteaux est installé sur la partie orientale à proximité du monument 1 de type Passy. Ils s’inscrivent dans le prolongement des grappes de bâtiments similaires relevés sur l’emprise au nord de la fouille de 2015.
5. Conclusion
L’intérêt de cette fouille est d’avoir pu mettre en évidence la présence d’un site à vocation funéraire au Néolithique moyen, documenté par plusieurs monuments de type Passy, formant une vaste nécropole étalée sur près de 100 ha et par un groupe de sépultures individuelles associées ou non au même ensemble funéraire, mais contemporaines. La présence d’un grand bâtiment à absides du Néolithique final/Bronze ancien reste ouverte.
Ces découvertes démontrent le rôle de la région au niveau des échanges et de la circulation des populations et des idées avec des relations extra-régionales évoquées par le style céramique vers le nord-est et un aménagement interne de type Chamblandes pour l’une des sépultures et vers le nord-ouest avec l’architecture monumentale funéraire et quelques éléments de mobilier.
INTERVENANTS :
Aménageur : Vicat
Prescripteur : DRAC – SRA Auvergne-Rhône-Alpes
Opérateur : Paléotime
AMÉNAGEMENT :
Exploitation de carrière
LOCALISATION :
RAPPORT FINAL D’OPÉRATION :
Référence bibliographique :
HAUZEUR A. (dir.), AJAS A., DUFRAISSE A., GARNIER N., TERROM J. (2019) – Saint-Jean-le-Vieux « les Collombières, tranche 2 », du Néolithique moyen aux temps modernes, Rapport final d’opération, Paléotime, Villard-de-Lans, 3 vol., 537 p.