La fouille d’archéologie préventive réalisée sur le site de la « Rue du Bois de la Planté » à Boinville-en-Mantois (Yvelines) a été conduite par le groupement momentané d’entreprises Paléotime (mandataire) et Eveha (intervenant comme responsable des vestiges protohistoriques et antiques). Elle s’est déroulée dans le cadre du projet d’extension d’un poste électrique source d’ERDF.
L’emprise est localisée sur un versant d’orientation nord-est, sur le plateau du Mantois, à cinq kilomètres au sud de la vallée de la Seine. Ce plateau calcaire est délimité par la Mauldre et la Vaucouleurs (deux des affluents de la Seine) respectivement à l’est et à l’ouest, et par deux anticlinaux : celui de la Seine au nord et celui de Beynes au sud, parsemés de buttes-témoins de sables stampiens.
A l’issue de cette opération, cinq époques ont été identifiées : le Premier Mésolithique, le Néolithique ancien, le Néolithique moyen II, la transition Hallstatt/La Tène ancienne et le Haut-Empire. Les vestiges mis au jour consistent en épandage de mobilier, structures en creux et en élévation. Leur état de conservation est tributaire de divers phénomènes : l’érosion, les colluvionnements successifs et les activités agricoles intensives. Ces éléments induisent une difficulté de lecture et d’interprétation des différentes occupations en présence.
Le Premier Mésolithique est documenté par une structure en creux dont le comblement a livré un ensemble de 39 pièces entières ou fragmentées en silex, consistant uniquement en microlithes ayant servi d’armatures de projectile. L’étude fonctionnelle menée sur ces microlithes permet d’émettre l’hypothèse selon laquelle ils auraient été employés comme armatures axiales pour la chasse, se seraient détachés dans le gibier et auraient été rejetés dans la fosse avec les parties non consommées de l’animal. L’attribution chronologique de cet assemblage est confirmée par deux datations 14C : 9880 ± 50 BP, soit 9456-9249 Cal BC (à 95,4% de probabilité) et 9950 ± 60 BP, soit 9676-9286 Cal BC (à 95,4% de probabilité).
Le Néolithique ancien n’est attesté que par quelques vestiges résiduels, à savoir une petite production de lames débitées par percussion indirecte sur silex bartonien, importées sous forme de produits finis, et des fragments de récipients en céramique, notamment plusieurs moyens de préhension caractéristiques du Blicquy – Villeneuve-Saint-Germain, ainsi qu’un grand vase de stockage décoré de boutons et cordons lisses curvilignes. Ce dernier laisse envisager la présence d’un habitat, à proximité du site ou non conservé à cause de l’érosion.
Le Néolithique moyen est documenté par du mobilier essentiellement lithique (2570 éléments) et céramique (près de 500 tessons), en épandage, remobilisé sur une courte distance, et par une quinzaine de structures en creux (fosses, foyers et trous de poteaux) pour lesquelles aucune proposition d’organisation spatiale n’est possible étant donnée leur relative dispersion sur le site et leur arasement. Néanmoins, le mobilier apporte quelques éléments pour permettre la caractérisation de cette occupation. En effet, l’étude du corpus lithique met en évidence un débitage majoritairement orienté vers une production d’éclats épais par percussion directe dure ayant servi de support à un outillage essentiellement composé de grattoirs, suivis de pièces à coches, denticulés, tranchets et ciseaux. à cela s’ajoute la présence de lames de hache polie en silex bartonien et d’ébauches en silex secondaire et tertiaire. Ses éléments, associés à l’outillage macro-lithique témoignant du travail de matières minérales dures, invitent à proposer l’existence d’une zone d’activité spécialisée, en périphérie d’un habitat (pouvant se trouver plus haut sur le versant). Ces données s’intègrent à l’environnement local et régional, marqué par la présence de sites d’extraction, d’ateliers de taille et de polissoirs fixes.
La transition Hallstatt/La Tène ancienne est renseignée par un silo, des fosses et un four, réutilisés comme zones de rejets détritiques. Le mobilier céramique qui en est issu appartient à des récipients de consommation, de présentation et de stockage. La faune est représentée par la triade domestique (boeuf, capriné, porc). L’ensemble de ces vestiges met en évidence le caractère domestique de l’occupation protohistorique, avec de probables activités agricoles. Leur attribution chronologique est confortée par une datation 14C : 2520 ± 30 BP, soit 694-542 Cal BC (à 95,4% de probabilité). La localisation des vestiges au sein de la surface ouverte (dans l’angle sud-ouest) suggère l’extension de cette occupation en dehors des limites de l’emprise prescrite.
Enfin, la période antique est documentée par un ensemble fonctionnel du Ier siècle au milieu du IIIe siècle ap. J.-C. (au plus tard). Il est composé d’une zone artisanale ou agricole partielle et d’un ensemble funéraire.
La zone à vocation artisanale ou agricole est matérialisée par de nombreuses structures localisées au nord de l’emprise fouillée et s’étend très certainement au-delà de la fenêtre d’observation offerte par cette fouille, en direction du nord-est. Les structures identifiées relèvent de diverses catégories et incitent à reconnaître cette zone comme la périphérie d’un établissement rural. Ainsi, on recense une carrière, une citerne, un cellier de stockage, des fosses de rejet, des trous de poteau, des tracés linéaires, des murs et tranchées de récupération et un four tardif. Le mobilier associé à ces structures démontre le caractère agricole et domestique de cette occupation. En effet, l’étude du corpus céramique met en évidence la présence de toutes les catégories fonctionnelles (préparation, présentation, consommation, conservation et stockage). La faune est figurée par la triade domestique (bœuf, capriné, porc). Le mobilier métallique consiste essentiellement en éléments de construction (où la clouterie domine), d’huisserie ou d’ameublement et en outillage agricole léger. S’ajoutent à cela des fragments de torchis, tegulae et imbrices.
L’ensemble funéraire, situé au sud de l’emprise de fouille, est constitué d’un monument de plan carré, composé d’un enclos (muret) se développant sur une surface d’environ 350 m², au centre duquel est implanté un bâtiment maçonné également carré. Ses murs sont montés en double parement de blocs bruts et de moellons grossièrement équarris, de petit et moyen appareil, avec un remplissage interne en pierres brutes (principalement en roche calcaire). Il est proposé de qualifier ce monument central de « pile », à défaut de plus amples informations sur son élévation. Quatre sépultures, possiblement d’un groupe familial, ont été identifiées dans l’enceinte de cet enclos. Elles consistent en deux inhumations (un immature d’environ six ans et un périnatal) et deux dépôts secondaires de crémation (un adulte et, pour le second cas, au moins un adulte et un immature de moins de six ans). S’y ajoute une cinquième structure à caractère funéraire (qualifiée de sépulture avec prudence), localisée en dehors de l’espace défini par l’enclos, mais située à proximité immédiate. Cet ensemble funéraire s’avère exceptionnel à plus d’un titre. Il l’est par les pratiques funéraires mises en exergue : enchytrisme, libation, sépulture à double contenant (terre cuite architecturale et bois), fosse à offrandes secondaires. Il l’est également par le mobilier découvert : une bague en or, un étui à amulette en or et un siège pliable métallique se rapprochant de la forme sella Castrensis et du type Weißenburg, variante B. Enfin, s’il s’agit effectivement d’un enclos funéraire à pile, il constituerait l’exemple le plus septentrional connu en l’état actuel des recherches.
Ainsi, malgré une difficulté de lecture et d’interprétation, la fouille préventive de la « Rue du Bois de la Planté » apporte de nombreuses données sur l’occupation du plateau du Mantois du Premier Mésolithique jusqu’au Haut-Empire.