Bois Clair (Montguyon, Charente-Maritime)

 

Le site préhistorique de plein air de « Bois Clair » est situé sur la commune de Montguyon (Charente-Maritime), à 80 m d’altitude. Découvert dans le cadre des travaux de la ligne à grande vitesse Bordeaux-Tours, le site se trouve sur une éminence du relief développée sur des alluvions éocènes. L’emprise ferme a été fouillée sur environ 3700 m² de novembre 2011 à avril 2012. Le décapage mécanique a permis de mettre en évidence plusieurs niveaux d’occupations humaines dont le degré de conservation varie en fonction de leur localisation stratigraphique et/ou spatiale. Les secteurs de plus fortes densités ont ainsi été fouillés à la main de manière classique (env. 156 m²) ou de façon plus rapide (60 m²) alors que le reste de l’emprise fût décapé mécaniquement.

Les vestiges découverts sont uniquement constitués de matériaux non périssables. Le mobilier côté à la fouille s’élève à plus de 3500 pièces pour une masse totale légèrement supérieure à 230 kg, hors fraction fine. A cela s’ajoutent 4395 pièces non côtées mais issues de la fouille et du tamisage par ¼ de m2 portant la série à près de 8000 pièces.

La répartition spatiale du mobilier fait ressortir plusieurs zones de petites concentrations lithiques, essentiellement localisées sur les points hauts du site. Elles s’intercalent dans des dépôts colluviaux et éoliens, chronologiquement cadrés par six datations OSL, et au sein desquels subsistent deux paléosols argiliques. Les fourchettes d’âge obtenues montrent que la séquence stratigraphique couvre une grande partie du dernier cycle glaciaire et confirment les très faibles taux de sédimentation sur le site.

Les résultats de l’étude taphonomique, basée sur la répartition des vestiges, les remontages, l’analyse des fabriques, la granulométrie et l’observation des états de surface des silex, tendent à montrer que les différentes perturbations affectant le mobilier (résidualisation, bioturbations, cryoturbation…) n’ont eu qu’un impact relativement limité sur son organisation spatiale, du moins pour les niveaux contenus au sommet de la séquence (UPS4). Les assemblages de mobilier inclus dans les unités sous-jacentes, en particulier au sein des colluvions graveleuses (UPS5) sont nettement moins bien conservés.

Le niveau le plus ancien, moustérien, a été identifié à la base de la séquence (base UPS6 – sommet UPS7). Il s’agit d’une petite concentration, probablement préservée de l’érosion grâce à la présence d’une petite dépression. D’après les données pédostratigraphiques, cette première phase de fréquentation du site serait antérieure au stade isotopique 5. A cette époque, l’occupation devait être située sur un point haut, dominant de quelques mètres une doline.

Le second niveau d’occupation paléolithique moyen s’inscrit au sein de l’unité 5, en position majoritairement sommitale. Il s’agit de mobilier réparti de manière diffuse sur l’ensemble de l’emprise avec la présence néanmoins avérée de rares concentrations généralement peu denses et/ou assez lâche. La dilatation verticale du mobilier, les caractéristiques des remontages (incomplets, souvent dispersés en plan et dilatés en vertical, fortement inclinés au sein des concentrations) et la faible représentativité de la fraction fine vont dans le sens d’ensembles dont l’intégrité n’est pas préservée, probablement affectés par divers processus de colluvionnement. Ce niveau d’occupation reflète des activités de production dominantes, basées sur des schémas de débitage Levallois ou discoïdes. Les dates OSL placent ces occupations entre environ 50 et 60 ka (début de l’IOS3).

Le niveau moustérien principal s’inscrit à la base de l’UPS4, majoritairement conservé dans la partie haute de l’emprise. Il se caractérise essentiellement par la présence de petits ensembles spatialement bien circonscrits correspondant à des aires de débitage. Les modes de production mis en œuvre sont généralement de conception discoïde avec pour objectif commun l’obtention de pointes pseudo-Levallois, notamment via une modalité de débitage spécifique et bien documentée par les remontages. La cohérence techno-économique de la plupart de ces ensembles permet de les rattacher au même techno-complexe, voire à un même groupe. Comme l’ensemble sous-jacent, ce niveau est rapporté au stade isotopique 3 sur la base d’une date OSL. Il se démarque néanmoins du précédant par des ensembles localement plus abondants présentant des remontages plus complets (jusqu’à 63 %), spatialement peu étendus et sub-horizontaux. Ces ensembles sont néanmoins affectés par des mouvements verticaux de pièces jusqu’en UPS5 et par un télescopage avec des occupations plus récentes dans les secteurs où la séquence stratigraphique est la plus condensée.

Le quatrième niveau d’occupation est rapporté sur des critères techno-typologiques à la fin du Paléolithique supérieur. Il correspond à une occupation particulièrement bien délimitée dans la partie centrale-ouest de l’emprise où son extension semble réduite à une petite butte dominant encore actuellement le paysage environnant. La zone de fouille concernée illustre la présence de deux principaux pôles de production de lames sur silex local. Cinq grands blocs ont pu être presqu’entièrement remontés et montrent un débitage de longues lames relativement étroites et légèrement courbes, de section triangulaire ou trapézoïdale. L’outillage retouché est rare et essentiellement composé de grattoirs en bout de lames, de burins et de lames retouchées. Il est majoritairement réalisé sur supports laminaires allochtones comparables en tous points aux productions in situ. L’analyse tracéologique menée sur plusieurs de ces outils suggère le travail de matières tendres (raclage de peau ?) et semi-dures couplé à des activités de boucherie. La fracturation fréquente et probablement volontaire de certains outils suggère le recyclage éventuel d’une partie des supports, notamment parmi ceux importés. Le positionnement chronologique de cet assemblage, basé sur l’analyse des schémas de débitage et des procédés techniques, évoque le Magdalénien supérieur mais la présence d’une pointe à dos courbe élancée façonnée sur petite lame tend à rajeunir l’occupation et la placer au cours d’une phase finale du Magdalénien ou au tout début de l’aziliniation.

Le cinquième niveau d’occupation a été reconnu un peu plus au nord des secteurs précédents. Distants dans l’espace, ils le sont probablement également dans le temps, l’analyse technologique indiquant plutôt des façons de faire post-Paléolithique : percussion tendre minérale, soin accordé à la préparation des talons des supports, rectitude et raccourcissement des supports laminaires. En l’absence de véritables marqueurs typo-chronologiques, cette industrie à lames légères et lamelles encore soignées est rapportée à l’Epipaléolithique, peut-être à une phase ancienne de l’Azilien. L’extension très réduite et le caractère très limité des activités de débitage de ces ensembles évoquent de manière plus aiguë encore que pour le Magdalénien la brièveté de la ou des occupations dont ils témoignent.

Enfin, un probable dernier niveau est représenté par la découverte de quelques pièces situées à l’écart des autres ensembles fouillés, dans l’angle sud-est de l’emprise. À l’inverse des autres secteurs, l’activité de débitage y est exceptionnelle. Le mobilier est essentiellement représenté par de l’outillage retouché importé, dominé par les burins sur lame ou éclat. Cet ensemble se démarque par une variété pétrographique forte et, à l’inverse des niveaux sous-jacents, par l’absence d’utilisation du silex campanien local. Avec réserve, cet assemblage atypique est rapporté à une occupation holocène placée entre le Néolithique moyen et la Protohistoire.

Le site de « Bois-Clair » illustre ainsi une récurrence de petites occupations humaines spécialisées dans les activités de débitage et étalées sur plusieurs millénaires. Il constitue un nouveau site référence au niveau régional et ouvre de réelles perspectives de comparaisons notamment avec les sites sous abris charentais.

INTERVENANTS :

Aménageur : COSEA
Prescripteur : DRAC – SRA Nouvelle-Aquitaine
Opérateur : Paléotime



AMÉNAGEMENT :

LGV Sud-Europe-Atlantique



LOCALISATION :

 



RAPPORT FINAL D’OPÉRATION :

Consulter le rapport



 
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