Bois de Sirion (Auvers-le-Hamon, Sarthe)

 

Le site archéologique du « Bois de Sirion » (Auvers-le-Hamon, Sarthe) a été fouillé en fin d’année 2012 dans le cadre du projet de construction de la Ligne à Grande Vitesse Bretagne – Pays de Loire. Il s’inscrit sur la bordure occidentale d’un vaste plateau formant l’interfluve entre deux affluents de la rive droite de la Sarthe (l’Erve à l’ouest, la Vègre à l’est), à des altitudes comprises entre 65 et 70 m NGF. La surface décapée de façon mécanique ou manuelle, sur près de 1,25 m de profondeur, s’élève à 3045 m2.

Le mobilier archéologique paléolithique moyen, uniquement représenté par des objets lithiques, s’intercale au sein d’un pédocomplexe limono-sableux d’épaisseur métrique qui s’est développé sur du matériel colluvial et éolien au cours du dernier cycle glaciaire et qui recouvre une formation fluviatile d’âge pliocène supposé. Le niveau d’apparition du mobilier débute dès la surface du sol et ce jusqu’à la base de la séquence stratigraphique pléistocène. Cette dispersion verticale relativement importante, d’au moins 75 cm d’épaisseur, s’observe de manière homogène à travers l’emprise. Elle concerne toutes les catégories technologiques ou granulométriques d’objets. Sans surprise dans le cadre d’un site paléolithique de plein air peu profondément enfoui et en contexte de versant, les vestiges ont subi une histoire post-dépositionnelle complexe, difficile à démêler malgré les analyses stratigraphiques et taphonomiques menées en phase d’étude. Ces dernières permettent néanmoins de proposer l’hypothèse d’un site fortement remanié, vraisemblablement déplacé en masse par reptation, puis recouvert par des colluvions sableuses et enfin affecté par les processus cryogéniques. Dans tous les cas, les différents indicateurs taphonomiques montrent qu’aucune information archéologique fiable ne peut être extraite du plan de répartition des objets. Dans ce type de contexte, et en raison de l’homogénéité typo-technologique de l’industrie, il n’a pas été possible de déterminer si l’épandage de mobilier résulte d’une ou plusieurs phases d’occupation. D’après la stratigraphie et les datations par luminescence stimulée optiquement obtenues sur un silex brûlé et trois prélèvements de sédiment, la ou les occupations moustériennes se placeraient au cours du stade isotopique 3, voir au plus tard à la transition entre les stades 3 et 4.

Au total, plus de 10 000 vestiges lithiques ont été récoltés. Il s’agit essentiellement de silex (99,4%) auxquels s’ajoutent quelques grès, quartzites et quartz. Le choix des occupants du « Bois de Sirion » semble avoir été dicté par le pragmatisme, puisque la majorité des silex proviennent des altérites jurassiques, seules formations locales contenant en abondance des silex de bonne qualité. Ce matériau est fréquemment introduit sous forme de petits blocs qui sont majoritairement utilisés pour fournir des outils bifaciaux, soit par façonnage direct de ces blocs, soit par débitage d’éclats destinés à être ensuite transformés en outils bifaciaux. La confection de pièces bifaciales est donc l’activité prépondérante au « Bois Sirion », la proportion d’éclats de façonnage (> 50 % des éclats entiers récoltés) et le nombre de pièces façonnées en témoignent (108 pièces bifaciales et 14 unifaces). Ces dernières représentent 30,8 % de l’outillage et 1 % de l’ensemble des artéfacts lithiques. Elles sont généralement de dimensions modestes et de type sub-cordiforme. Ce corpus regroupe des pièces à divers états de confection, depuis l’ébauche jusqu’à l’outil fini utilisé, fracturé et réaffûté ou recyclé, témoignant ainsi de la mise en œuvre d’un long cycle de production et d’utilisation de ces pièces sur le site. Plus rares, les activités de débitage sont néanmoins illustrées par des modes de production variés (Kombewa, Levallois, unipolaire…) fournissant des supports, parfois utilisés pour la confection d’outils bifaciaux comme vu précédemment, ou simplement retouchés, notamment en racloirs de types variés. Une production d’appoint est également mise en œuvre sur grès-quartzites dans le but de fournir quelques gros éclats.

Le « Bois Sirion » se présente donc comme un vaste site de production majoritairement tourné vers la confection d’outils bifaciaux en silex en relation directe avec leur consommation dans un environnement proche. Il se rattache au faciès moustérien à outils bifaciaux a priori limité à une macro-région englobant le Massif armoricain et sa bordure orientale ainsi que la Normandie. Ce faciès est essentiellement reconnu dans des zones riches en matériaux siliceux (silex ou grès) qui ont donné lieu à des occupations denses et probablement répétitives s’échelonnant entre la fin du stade isotopique 5 et le stade 3.

Le site de « Bois Sirion » constitue ainsi un jalon supplémentaire à la connaissance du Moustérien à outils bifaciaux en contexte d’atelier-habitat et ouvre de réelles perspectives de comparaisons régionales, notamment avec les sites proches de la vallée de la Vègre, comme à « Château Gaillard / la Mercerie » (Fontenay-sur-Vègre) fouillé récemment. Outre les comparaisons d’ordre technoculturel et fonctionnel entre ces sites, leur position stratégique à la limite entre le Massif armoricain à l’ouest, où les silex sont quasi absents, et le Bassin parisien à l’est, pourvues de nombreuses silicifications, offre un contexte particulièrement favorable à l’étude de la mobilité des populations au Paléolithique moyen dans cette région. Un des axes de recherches prioritaires à développer pourrait ainsi porter sur la détermination de l’origine précise des rares silex allochtones identifiés sur ces sites.

INTERVENANTS :

Aménageur : Eiffage Rail Express
Prescripteur : DRAC – SRA Pays de la Loire
Opérateur : Paléotime



AMÉNAGEMENT :

Ligne Grande Vitesse Ouest Le Mans-Rennes



LOCALISATION :

 



RAPPORT FINAL D’OPÉRATION :

Consulter le rapport


 
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