Un projet de rénovation et d’agrandissement de la station d’épuration de la commune de Ginasservis a motivé la mise en place d’un diagnostic archéologique réalisé en 2020 par le Service départementale du Var. Sur les 9,7 % diagnostiqués de la surface prescrite, plusieurs structures de différentes périodes ont été décelées : le Néolithique moyen (première moitié du Ve millénaire) ; le Néolithique final (première moitié du IIIe millénaire) et le premier âge du Fer (entre le 8e et le 6e siècle). Ces résultats ont entrainé la prescription d’une fouille préventive réalisée en novembre et décembre 2021 par la société Paléotime. A l’origine, cette prescription portait sur l’ensemble de la surface diagnostiquée, soit 7260 m². Un arrêté modificatif a réduit la superficie de fouille uniquement à la partie nord de l’emprise soit 3048 m² (une erreur de calcul de la superficie est apparue dans le cahier des charges). Enfin, toute la partie occidentale végétalisée a été préservée à la demande de l’aménageur, en accord avec le SRA. Ainsi, la surface de fouille ouverte est 2460 m².
Le site de La Fontaine se trouve au sud de la commune de Ginasservis, au pied du versant sud d’une colline, dominant légèrement une plaine alluviale qui se développe en direction de Rians. Il évolue à une altitude de 344,50 m à 343 m NGF en direction du sud. Du fait de cette pente, couplée avec la présence d’un mur de terrasse agricole récent en limite méridionale, le site affiche une forte érosion de pente au nord et, à l’inverse, une accumulation sédimentaire au sud. Ainsi, plusieurs unités pédosédimentaires ont été identifiées :
UPS1 : terre végétale ;
UPS2 : colluvions agricoles ;
UPS3 : accumulation sédimentaire visible uniquement à proximité du mur de terrasse provenant soit d’un paléosol, soit d’un apport anthropique contre le mur ;
UPS4 : paléosol cumulique plurimillénaires ;
UPS5 : limon périglaciare marqué par des chenalisations méandriformes consécutives à des phases érosives.
L’état de conservation des vestiges est médiocre et seules les structures les plus profondes nous sont parvenues, en particulier au nord de l’emprise de fouille. Au sud-est, le développement d’un paléosol cumulique allant du Néolithique à l’Antiquité et fortement bioturbé, a complexifié la lecture du niveau d’apparition des vestiges qui sont sensiblement plus nombreux dans ce secteur. Le site compte 33 fosses, sept silos, deux trous de poteau, un foyer, une fosse d’extraction de terre, une fosse de plantation, un puits, cinq fossés, et un mur de terrasse. Au niveau de la chronologie des vestiges, deux structures appartiennent au Néolithique moyen II (l’une à la phase ancienne et l’autre à la phase récente), neuf au Néolithique final (dont une du diagnostic) et quatre à un large Néolithique. Trois structures du Bronze final sont également à signaler, une du 1er âge du Fer (issue du diagnostic) et quatre demeurent dans un large intervalle pré-protohistorique. Enfin, une seule structure se rapporte à l’Antiquité, plus un mur de terrasse récent et 27 faits archéologiques demeurent sans attribution chronologique possible. Face à l’existence de six phases chronologiques sur un faible nombre de structure, aucun schéma d’organisation spatial ou d’évaluation du statut du site n’a pu être établi, en particulier pour le Néolithique moyen II, qu’il appartienne à la phase ancienne ou récente.
Pour le Néolithique final, plusieurs silos ont été découverts dans la moitié nord / nord-est de l’emprise. Ces structures, systématiquement vidangées à leur abandon, ont fait l’objet de divers rejets détritiques. L’un des éléments phares de cette opération est la découverte d’un vase de stockage en terre crue en cours de façonnage, rejeté dans un silo avec sa motte de terre. Il constitue un exemplaire unique pour cette période dans le sud de la France – tous les autres exemplaires connus étant généralement à l’état fragmentaire. Cette concentration de silos dans un même secteur marque vraisemblablement une aire de stockage. En plus d’un corpus céramique très fragmentaire et de quelques macro-outils (fragments de meule, molette…), la présence de restes de caprinés, de suidés et de graines de céréales, même en faible quantité, témoignent d’une implantation humaine tournée vers l’agro-pastoralisme.
Enfin, une concentration de vestiges attribués pour partie à un large Néolithique et au Néolithique final, est apparue au sud-est de l’emprise, avec la présence d’au moins un trou de poteau et d’un puits. Ils témoignent d’une extension de l’occupation en direction du sud et sud-est.
Aucun vestige de la fin du IIIe millénaire et d’une grande partie du IIe n’a été découvert. De nouveaux indices d’une implantation humaine apparaissent à partir du Bronze final IIb jusqu’au premier âge du Fer, avec la présence de deux silos et de deux fosses très arasées. Bien que peu nombreuses, ces structures sont toutes concentrées au nord-ouest de l’emprise et marquent une possible extension du site en direction du nord / nord-ouest pour cette période, au-delà de la zone de fouille. Comme pour le Néolithique, les silos ont été vidangés et des rejets d’urnes et de coupes ont été découverts à l’intérieur de ces derniers. La présence de caprinés et le besoin de stockage peuvent, là encore, illustrer d’une communauté pastorale et probablement agricole.
Enfin, l’Antiquité est représentée par la présence d’une zone d’extraction de terre au sein des limons jaunes périglaciaires dans le bas du versant. Selon toute vraisemblance, cette grande fosse est à rattacher à un atelier de potiers ou de tuiliers qui se développe hors du site, sur les terrasses plus au nord de l’emprise.
Le site de La Fontaine offre donc une lecture diachronique d’une implantation humaine depuis le Néolithique moyen jusqu’à l’Antiquité dans un secteur géographique où de telles données étaient alors inconnues. Il ouvre des perspectives intéressantes sur le potentiel de la plaine alluviale qui se développe au pieds du site et qui peut trouver un écho avec les sites de la plaine de Saint-Maximin.

INTERVENANTS :
Aménageur : Municipalité de Ginasservis
Prescripteur : DRAC – SRA Provence-Alpes-Côte-d’Azur
Opérateur : Paléotime
AMÉNAGEMENT :
Agrandissement de la station d’épuration
LOCALISATION :
RAPPORT FINAL D’OPÉRATION :
Référence bibliographique :
LAROCHE M. (dir.), BERTAUT J., RUE M., RECCHIA QUINIOU J., CHATEAUNEUF F., GALIN W., DOUMERC J.-O., BATTENTIER J., TILLIER M., AJAS A., BOUCHARAT M., Les occupations néolithiques et protohistoriques du site de La Fontaine à Ginasservis (83), Rapport Final d’Opération, Villard-de-Lans : Paléotime, 2024, 345 p.