À la suite de deux tranches de diagnostic conduites en 2017 par M. Frédéric Conche et les équipes de l’Inrap, au lieu-dit « La Plaine », motivées par le projet d’aménagement d’un complexe sportif par la Ville de Meyrargues, le SRA de PACA a prescrit la réalisation d’une fouille préventive en raison de la diversité et de la bonne représentation des vestiges archéologiques sur un terrain d’un peu plus de 2,5 ha. La phase terrain a été conduite du 26 mars au 18 mai 2018, par une équipe de Paléotime, sous la responsabilité scientifique de M. Maxime Remicourt.
Elle a permis d’identifier une série d’occupations diachroniques de la Préhistoire récente à la période moderne et/ou contemporaine. Des fosses de stockage illustrent le Néolithique moyen II. Des sépultures en coffres en pierres sèches se rapportent au Néolithique récent. Des fossés parfois doublés de palissade barrant un éperon sont attribuables au Bronze ancien, de même que des séries de trous de poteau et des fosses de stockage. Deux phases du Bronze final (1 et 3b) ont été reconnues à travers des structures domestiques, comme des foyers à sole rubéfiée et/ou à pierres chauffées ou par des fosses à morphologie variée. Outre les fosses et fossés de plantation de la période moderne et/ou contemporaine, une grande aire de battage caladée de plus de 900 m² a pu être dégagée partiellement.
L’emprise de fouille est localisée sur un plateau dominant la plaine de la Durance à l’ouest et au nord, ainsi qu’à l’est la petite vallée, où est sise la commune de Meyrargues. Au sud-est, les flancs du plateau sont marqués par la présence de falaises abruptes, plus ou moins hautes, qui empêchent un accès direct à la partie sommitale. Ce déterminisme géographique et géologique a probablement motivé en partie l’implantation des populations et pré- et protohistoriques dans ce secteur. Au sud et à l’est, ce plateau est bordé par le cours du Grand Vallat qui est un affluent de la Durance.
L’opération de terrain a concerné deux zones (zone 1 : 1800 m² ; zone 2 : 24000 m²) qui ont chacune livré, au niveau d’arrêt du décapage mécanique, des substrats et des unités pédosédimentaires relativement divers qui trahissent la complexité de la mise en place de ces formations. Il ressort de la fouille que cet environnement géologique a influencé la localisation des occupations humaines ultérieures que nous avons pu percevoir dans les secteurs traités ; même si cette image est faussée, en raison des dynamiques permanentes d’érosions et/ou de colluvionnements qui ont pu être identifiés pour l’Holocène sur le plateau.
Le bilan archéologique est largement provisoire pour l’instant, car les études spécialisées sont encore à venir. Il ressort toutefois de l’opération de terrain et des premières observations sur le mobilier archéologique et les structures mises au jour que le plateau de la Plaine a exercé un certain attrait qui a entrainé sa fréquentation récurrente par des populations humaines du Néolithique à nos jours.
Les plus anciennes occupations sont à rapporter au Néolithique moyen II (1ère moitié du IVème millénaire avant notre ère). Une dizaine de fosses profondes, probablement destinée au stockage des denrées, a pu être rattachée à cette phase en zone 1. Le mobilier est peu abondant, mais assez caractéristique, avec notamment des petites lamelles en silex blond bédoulien traitées thermiquement. En zone 2, sur toute l’étendue de l’emprise, de nombreuses structures protohistoriques livrent des vestiges mobiliers relevant de cette période, mais ces derniers sont toujours en position secondaire. Un paléosol remanié, piégé en contrebas de l’emprise de fouille, à l’ouest, a également livré un mobilier archéologique divers qui semble également tributaire de cette phase. Aucune structure excavée n’a pu être clairement attribuée à cette période. On peut donc postuler que soit une occupation du Néolithique moyen II était bien représentée dans la zone 2, mais qu’elle était déjà partiellement tronquée lors des installations humaines ultérieures, ou alors qu’elle se trouvait en amont de la zone 2, hors emprise au nord, et que les phases de colluvionnements successives ont alimentées ce secteur en artefacts néolithiques.
Pour le Néolithique, les autres éléments marquants sont illustrés par deux excavations qui accueillaient des coffres construits avec des murs en pierres sèches, le tout agrémenté d’un dallage. Dans l’attente des datations radiométriques, on peut rapporter ces sépultures en coffres au Néolithique récent (3650-3300 avant notre ère), à partir du mobilier associé aux défunts (armature géométrique sur lame en silex gris bédoulien, lamelle appointie en silex blond bédoulien, bille en calcaire, 50 perles biconiques courtes en calcite) et des données architecturales qui rapprochent ces structures, ainsi que le mobilier, de ce qui a pu être observé pour la sépulture du Collet Redon, à Martigues dans les Bouches-du-Rhône (Schmitt A. et al. 2018, Un exemple inédit en Provence de sépulture collective du Néolithique récent/final : le site de Collet-Redon (Martigues), Gallia Préhistoire, 58, p. 5-45). Les restes humains étaient très mal conservés. A partir des dents découvertes et avant l’étude anthropologique, on peut postuler sur un NMI d’au moins 3 individus pour l’un des deux ensembles. Il pourrait donc s’agir d’une sépulture collective, comme dans le cas du Collet Redon.
Bien qu’il soit situé en dehors des emprises de fouille, on peut citer la présence d’un dolmen sur le plateau, à 200 m au nord de la zone 1. Lors de sa destruction pour la mise en place du réservoir à eau de la colonie en 1961, ce monument a livré des ossements et une grande lame en silex de Forcalquier. Cette structure, ainsi que le mobilier mis au jour, semble pouvoir être attribuée à la fin du Néolithique.
Sur les deux emprises de fouilles, plusieurs phases du Bronze ancien (1er quart du IIème millénaire avant notre ère) sont illustrées par des structures excavées de stockage et des foyers, mais également en zone 2 par la présence de deux fossés qui barrent le plateau au sud-est. L’emprise de la prescription de fouille ne concernait qu’une partie de cet ensemble. Mais il ressort que son implantation est liée dans sa partie méridionale au début des zones escarpées qui se développent ensuite dans le secteur oriental. Ces fossés pourraient donc appartenir à un dispositif de type éperon barré. Le positionnement de ces fossés semble également redevable d’une certaine stratégie anthropique, car ils suivent de manière quasi-parallèle, à quelques mètres, les niveaux de travertins les plus compacts, là où le substrat était le plus tendre. La fouille des deux fossés a permis de faire ressortir pour chacun d’entre eux, des séries de creusements et de réaménagements successifs. Pour le fossé extérieur (ST2001), on identifie au minimum trois phases principales de creusement sur l’ensemble du tracé documenté. Pour le fossé interne, ce sont quatre phases qui sont illustrées, avec la mise en place, en parallèle des phases de creusement et de curage, de trois palissades successives qui sont marquées par plusieurs dizaines de trous de poteau.
Les occupations suivantes sont à rapporter au Bronze final 1, puis au Bronze final 3b (1400 à 800 avant notre ère). Elles semblent seulement concerner l’emprise de la zone 2. Ces deux phases sont documentées par de nombreux foyers ; certains à soles rubéfiées, d’autres à pierres chauffées. Des séries de fosses de stockage sont également présentes pour cette fin de l’âge du Bronze, de même qu’un petit grenier sur poteau.
On peut citer la présence de traces agraires qui sillonnent la zone 2 et qui correspondent à des labours à l’araire par traction animale. A partir des recoupements avec les autres structures que nous avons actuellement pu attribuer chronologiquement avec certitude, on peut dire qu’elles sont postérieures au 9ème siècle avant notre ère et antérieures au 19ème siècle après notre ère. L’exploitation des données malacologiques et anthracologiques des structures excavées, non datables par le mobilier associé, qui les recoupent, devrait permettre d’affiner cette échelle chronologique.
Sur les deux emprises de fouille, plusieurs dizaines de fosses à plan quadrangulaire et/ou circulaire se rapportaient à des fosses de plantation moderne. Des fossés de plantation, probablement plus récents, sont également présents, notamment en zone 1, où ils traversaient l’emprise et recouvraient ou recoupaient de nombreuses structures pré- et/ou protohistoriques.
Pour finir, on peut signaler la présence d’une grande aire caladée de battage, et/ou de foulage, représentée partiellement au nord-ouest de la zone 2. Cette construction quadrangulaire, fait près de 900 m² de surface, avec des côtés de 30 m de long. Ce bâti rural répond aux normes des types de construction régionaux en calade. Elle comporte sur ces côtés un mur en pierres sèches et des raidisseurs parallèles, orientés est-ouest et distants d’1,5 m, structurent l’ensemble qui est pavé de petits galets en opus incertum. Les quelques sondages réalisés permettent de déceler deux états de construction, avec une extension de la structure originelle à l’est et au sud. Dans la partie méridionale, la présence de trous de poteau pourraient permettre de proposer la mise en place d’un aménagement de type couverture, en lien avec l’extension de l’aire. Ses dimensions conséquentes pourraient être en lien avec l’introduction au 19ème siècle du barrulaire, grand rouleau tronconique en pierre tracté par des ânes ou des mulets, qui exige des surfaces d’accueil pour les céréales plus grandes que par le passé.
Bilan
L’opération de terrain du gisement de la Plaine a livré des vestiges divers et variés d’occupations humaines qui s’échelonnent sur plus de 5 millénaires. Les études spécialisées à venir, aussi bien géomorphologiques, environnementales ou celles des artefacts, permettront de mieux cerner ces différentes populations et l’évolution du milieu d’un point de vue diachronique. Ces données permettront une mise en perspective et une confrontation face aux diverses hypothèses formulées et aux acquis reconnus pour les contextes régionaux et micro-régionaux.
INTERVENANTS :
Aménageur : Mairie de Meyrargues
Prescripteur : DRAC – SRA Provence-Alpes-Côte-d’Azur
Opérateur : Paléotime
AMÉNAGEMENT :
Construction d’un complexe sportif
LOCALISATION :