Les Basses Veuves Zone 2 (Pont-sur-Yonne, Yonne)

 

La fouille préventive menée sur le site des « Basses Veuves, zone 2 » à Pont-sur-Yonne (Yonne) a été conduite par la société Paléotime du 8 octobre au 21 décembre 2018. Cette opération intervient en préalable à l’extension de l’exploitation d’une carrière d’extraction de matériaux alluvionnaires (sociétés GSM et MRF). Elle fait suite à un diagnostic conduit par S. Lenda (Inrap) en 2013.
Le terrain concerné par cette opération est localisé dans la plaine alluviale actuelle de l’Yonne, en rive gauche d’un méandre de la rivière, à une vingtaine de kilomètres au sud-est de la confluence avec la Seine. Les investigations ont permis de reconnaitre cinq principales paléoformes alluviales sur l’emprise de fouille, rendant complexe l’étude stratigraphique du site :
– deux chenalisations visibles dans le relief actuel, non comblées, correspondant à de probables chenaux de chute ;
– un paléochenal (A) autour duquel se structurent les différentes occupations reconnues et dont la base a fourni une date radiocarbone renvoyant au début du Boréal ;
– un paléochenal (B ou P1 du diagnostic) tronquant la partie nord-est du site, possiblement au début du Subatlantique ;
– un paléochenal (P2 du diagnostic), situé dans l’angle sud-ouest (non exploré), qui débuterait son comblement durant l’Allerød d’après le contenu pollinique.

À l’issue de la fouille, plusieurs périodes d’occupation/fréquentation ont été identifiées : le Premier Mésolithique, le Néolithique ancien, moyen et final, l’âge du Bronze moyen et final et enfin le premier âge du Fer (Hallstatt C/D, voire l’aube du Second La Tène A). Les vestiges mis au jour consistent en épandages et concentrations de mobilier et en structures excavées.

Le Premier Mésolithique est principalement illustré par un épandage de matériaux lithiques sur une surface d’au moins 140 m² (nommé ST276) qui a fait l’objet d’une fouille manuelle sur près de 40 m² ayant livré plus de 5 700 silex taillés. Cette concentration de mobilier s’insère dans un dépôt jaunâtre limono-sableux à concrétions carbonatées mis en place par des apports de faible énergie en contexte de plaine d’inondation. Cet épandage de mobilier, dilaté sur une vingtaine de centimètres, constitue très probablement la terminaison du secteur 1 défini par F. Séara lors des sondages réalisés au nord-ouest entre 1999 et 2001, ou bien une unité isolée située dans son prolongement. Les occupations se sont déroulées en bordure immédiate du paléochenal A, et donc en lien étroit avec la présence d’un cours d’eau.
En périphérie et à proximité immédiate de cet épandage, sept zones rubéfiées ont été identifiées comme des vestiges de probables structures de combustion. Le mobilier mis au jour est rare à totalement absent dans ces structures, sauf pour l’ensemble formé par ST44 et ST302. Les restes fauniques sont quasiment absents, épars et dans un état de conservation plutôt médiocre. L’approche taphonomique développée sur la concentration ST276 (densités, remontages, granulométrie lithique, fabriques, etc.) montre qu’aucune structuration archéologique évidente ne ressort de cet espace. En raison du cumul d’occupations et du ruissèlement qui a impacté l’assemblage initial, le potentiel spatial apparait limité.
Les observations typotechnologiques mettent en évidence un débitage spécifiquement orienté vers une production d’éléments lamellaires utilisés pour la confection presque exclusive d’éléments cynégétiques relativement variés, même si les similitudes avec le groupe culturel des pointes à base transversale de la moitié nord de la France (Beuronien A) sont particulièrement fortes. Des observations, en partie confirmées par une série de datations radiocarbone au sein même de l’épandage et dans une des structures de combustion localisées en marge de cette dernière, nous permettent de proposer l’hypothèse de plusieurs phases d’occupations du Premier Mésolithique, sur une période d’environ 1 000 ans, entre l’extrême fin du 10e millénaire et la fin du 9e millénaire avant J.-C.
Fait marquant aux « Basses Veuves », les produits lamellaires entiers bruts issus du plein débitage sont rares, probablement emportés hors du site à l’instar des armatures de flèche. En effet, la majorité des pièces qui nous sont parvenues sont des éléments issus des phases d’entretien et les armatures sont rarement complètes, à l’état d’ébauche ou présentent des cassures de fabrication. De plus, la présence de deux fois plus de microburins que d’armatures au sein de l’assemblage permet de corroborer l’hypothèse d’un atelier de taille et de façonnage d’éléments cynégétiques pour les occupations mésolithiques.

La période néolithique est documentée par de rares structures, et surtout du mobilier lithique — plus de 4 700 pièces — attribué à l’une ou l’autre période et récolté au sein d’une nappe de mobilier répartie en zones plus ou moins denses sur l’ensemble de l’emprise. Les périodes représentées vont du Néolithique ancien au Néolithique final, témoignant de fréquentations ou de passage sur le site plutôt que d’une implantation domestique. Une soixantaine de pièces ont été attribuées au début du Néolithique, principalement des produits de débitage obtenus par percussion indirecte et une dizaine d’outils, dont une armature de type perçante asymétrique. Le Néolithique moyen est également illustré par une soixantaine de pièces en roches siliceuses, parmi lesquels une vingtaine d’outils, entre autres des couteaux à dos, quelques grattoirs et une armature perçante à retouches bifaciales. Quelques dizaines de tessons se répartissent dans les deux seules fosses attribuées à cette période par leur présence. Le Néolithique final rassemble moins de vingt outils diagnostics, microdenticulés, scies à encoches et armatures. Dix lames de hache sont peut-être à mettre en relation avec un polissoir à rainures sur bloc de grès mégalithique et des activités de polissage sans qu’il n’y ait de traces d’habitat à proprement parler. L’approvisionnement en silex est local, à part de rares éléments en silicite du Bartonien pour le Néolithique ancien. Des influences diverses sont pressenties au Néolithique moyen sans être vraiment assurées, que ce soit le Rössen ou l’épi-Rössen par les armatures ou le Néolithique moyen Bourguignon par la céramique.

Pour les débuts de la Protohistoire, c’est la période du Bronze final qui est la mieux représentée avec plusieurs bâtiments à module central porteur ou de type grenier et quelques récipients en céramique du groupe des céramiques à cannelures douces, témoignant des premières installations pérennes relevées avec certitude sur le site. Un bâtiment à abside partiellement conservé (?) est probablement à rattacher à cette période. Une installation dès le Bronze moyen n’est pas impossible, avec la présence de deux fosses et de quelques récipients en céramique traduisant des affinités avec l’est de la France. Le Premier âge du Fer (Ha C/D) compte également une série de bâtiments, de type grenier sur poteaux ou bâtiments plus importants à module centralet parois projetées (non conservées), ainsi qu’un groupe de fosses. Toutes les structures datées de cette époque se caractérisent par la présence, parfois très abondante, de fragments de terre architecturale brûlée, témoignant d’un incendie important. Le corpus céramique montre des affinités avec le sud de la Bourgogne et la Franche-Comté, sans exclure les régions ligériennes ou l’Île-de-France. La présence d’un couteau en fer du HaD3/LTA trouvé dans le comblement d’un poteau (dépôt de fondation ?) prolonge peut-être l’occupation au tout début du Second âge du Fer.
Il semble que ce soit au début de La Tène ou peu après que le site soit abandonné par les populations humaines, en termes d’habitat domestique à vocation agraire (présence de graines carbonisées, datées). Les charbons de bois datés à la base du comblement du paléochenal B suggèrent néanmoins encore une présence humaine à cette époque (essartage/écobuage ?). Enfin, à une période plus récente (Petit Age Glaciaire ?), l’ensemble du secteur est à nouveau recouvert par des dépôts d’inondation, protégeant ainsi le site des labours modernes et masquant les différentes formes alluviales.

INTERVENANTS :

Aménageur : Matériaux Routiers Franciliens SAS
Prescripteur : DRAC – SRA Bourgogne-Franche-Comté
Opérateur : Paléotime



AMÉNAGEMENT :

Extension d’une carrière



LOCALISATION :

 



RAPPORT FINAL D’OPÉRATION :

Référence bibliographique :
FÉNÉON L., HAUZEUR A., ANGELIN A. (dir.), DEPARNAY X., DUBREUCQ E., FERNANDES P., GAUVRIT-ROUX E., LARUE M., LIOTTIER L., RENAUD A., ROSCIO M., RUÉ M., avec la collaboration de BOUFFARD L., NAVENNEC G., ROBBE J. (2021) – Pont-sur-Yonne (89). « Les Basses Veuves » zone 2 : du Mésolithique à l’âge du Fer, Rapport final d’opération, Paléotime, Villard-de-Lans, 2 vol., 670 p.

 
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