L’Espougnac (Meyrargues, Bouches-du-Rhône)

 

C’est un projet de construction de parc photovoltaïque par la société URBA 48 qui a motivé la prescription d’un diagnostic archéologique au lieu-dit l’Espougnac à Meyrargues. Ce diagnostic, réalisé en janvier 2020 par l’Inrap, a permis de mettre en évidence des vestiges attribués à la Protohistoire et à l’époque moderne ou contemporaine. Par conséquent, préalablement aux travaux d’aménagement, une fouille préventive a été prescrite sur la zone la plus dense en vestiges. Cette fouille, réalisée entre octobre et décembre 2020 par la société Paléotime, a porté sur une emprise d’environ 26730 m². Les principales occupations mises en évidence par cette opération se rapportent au Néolithique, à la Protohistoire et à l’époque moderne ou contemporaine.

La commune de Meyrargues est située au nord-est du département des Bouches-du-Rhône, sur la rive gauche de la Durance. Le site de l’Espougnac est quant à lui localisé sur la frange occidentale du territoire communal, à environ 3 km à l’ouest-sud-ouest du centre-ville. Il est installé sur le versant nord-ouest d’un massif de collines, sur l’interfluve délimité par deux affluents de la rive droite du Torrent du Vauclaire, qui s’écoule du sud vers le nord en direction de la Durance. Depuis l’emprise de fouille, située entre 235 et 260 m d’altitude, on profite ainsi vers le nord d’une vue dégagée sur la vallée de la Basse-Durance et, en arrière-plan, sur le Luberon.

L’occupation la plus ancienne mise en évidence sur le site renvoie au Néolithique moyen 1. Les vestiges de cette période se répartissent entre la partie sud-est de l’emprise (zone 1) et la partie sud-ouest (zones 2 et 3). Dans la zone 1, on recense six structures de combustion à pierres chauffées, une fosse-foyer, 15 fosses ou silos et un trou de poteau définissant un espace d’un peu plus de 1000 m², dans un ancien vallon qui se comble progressivement à la fin du Pléistocène et durant l’Holocène.
En dépit de l’absence de bâtiments, l’ensemble reflète une occupation de type habitat, avec à la fois des structures de chauffe et des structures de stockage. Le mobilier retrouvé en position de rejet dans les différentes structures se rapporte vraisemblablement à des activités variées. La vaisselle en céramique est peu abondante et très fragmentaire, ce qui limite les possibilités d’interprétation. Le petit outillage lithique taillé regroupe notamment des burins (dont une probable armature de faucille), des pièces à retouches marginales, des grattoirs et des outils a posteriori. La particularité de la série tient en outre à la présence d’éclats liés à la mise en forme des nucléus laminaires et de tablettes d’entretien, indiquant la réalisation d’une partie des activités de taille sur le site. Le macro-outillage lithique est quant à lui abondant, et les éléments liés aux activités de mouture sont les mieux représentés, avec de très nombreuses meules et molettes. La diversité de l’outillage semble toutefois refléter, outre la mouture, des activités variées de broyage et de travail de matériaux. En outre, la mise en évidence de quelques possibles ébauches d’objet, parmi lesquelles deux ébauches de hache polie, pourrait indiquer des activités de mise en forme de cet outillage sur le site. Les restes fauniques sont quant à eux presque inexistants, peut-être en raison de mauvaises conditions de conservation. Parmi les carporestes identifiables, on relève la présence d’orge, de blé et d’ivraie, indicateurs de cultures céréalières.
L’ensemble de ces observations paraît indiquer la présence d’un établissement à vocation agricole dans l’emprise ou à proximité immédiate. Les structures de type silo, les céréales cultivées, les outils de mouture et l’armature de faucille témoignent de manière directe des activités de production, de stockage et de transformation des produits agricoles sur le site. L’outillage lithique taillé et macro-lithique révèle également des activités de taille, de mise en forme d’outils en pierre, et probablement de travail d’autres matériaux.
Dans les zones 2 et 3, on recense pour le Néolithique moyen 1 deux fosses de fonction indéterminée et cinq silos, qui se répartissent de manière lâche sur une superficie d’environ 500 m². Un des Faits présentant les caractéristiques morphologiques et métriques d’un silo a en outre été utilisé pour le dépôt de deux individus. Les structures excavées de la zone 2/3 ne livrent que peu de mobilier et d’écofacts en comparaison de celles de la zone 1 : rares fragments de céramique et éléments lithiques taillés, rares charbons et carporestes… Les seuls restes fauniques sont des restes de chien associés aux deux squelettes humains. Seul l’outillage macro-lithique est un peu mieux représenté, avec plusieurs fragments de meules et de molettes. Globalement, le caractère épars des structures, la présence exclusive de larges fosses et de silos et le peu de mobilier incitent à penser qu’il s’agit d’un espace en marge de la zone d’habitation, peut-être dédié au stockage.

Il est possible que d’autres structures se rapportent à une occupation datée de manière hypothétique du Néolithique final. En effet, deux fosses et cinq silos de la zone 3 ont été considérés comme possiblement sub-contemporains en raison de la présence, au sein de leurs comblements, de fragments de céramique se rapportant vraisemblablement à un même type de pâte. Leur datation est toutefois très incertaine, la proposition d’une attribution au Néolithique final reposant en effet exclusivement sur une date par radiocarbone. Plusieurs de ces fosses et silos se distinguent par un mobilier céramique abondant, malheureusement extrêmement fragmenté et donc mal caractérisé, tandis que l’outillage lithique taillé et macro-lithique est rare, de même que les écofacts. La présence de ce mobilier semble néanmoins pointer vers l’existence d’un habitat à proximité de cet espace, qui n’aurait pas laissé d’autres traces.

Deux occupations de l’âge du Bronze ont été identifiées. La première, datée du Bronze moyen 1, est matérialisée par au moins un silo, une fosse et peut-être un four dispersés dans les zones 1, 2 et 3. Ces structures, qui livrent un rare mobilier céramique, un fragment de meule, ainsi que des charbons et des carporestes carbonisés, semblent se rapporter à une occupation de type habitat. A cet ensemble on peut ajouter, de manière hypothétique, une fosse qui livre de la céramique attribuable au Bronze moyen 1 ou 2. La seconde occupation se rapporte au Bronze final 1. Elle est matérialisée par une unique fosse fouillée lors du diagnostic, caractérisée par un mobilier très abondant et varié. Le corpus céramique se distingue en outre par la présence de plusieurs récipients dont le profil a pu être largement restitué. Par ailleurs, les deux moules de bronziers retrouvés dans cette structure suggèrent la pratique d’activités métallurgiques, qui n’ont toutefois pas laissé de traces autres dans le site.

L’occupation du début du premier âge du Fer est matérialisée par 13 Faits, tous dans la zone 1 : dix structures à pierres chauffées rectangulaires formant un alignement d’un peu plus de 35 m, une grande fosse polylobée et possiblement deux autres fosses de dimensions plus modestes. La batterie de structures à pierres chauffées renvoie probablement à des pratiques extérieures au cadre domestique, mal identifiées mais néanmoins probablement spécifiques. La fosse polylobée située à proximité de la batterie de foyers livre du mobilier céramique contemporain de celui mis au jour dans les comblements des structures à pierres chauffées. La présence de fragments issus de la fosse polylobée et de deux des foyers se rapportant peut-être aux mêmes vases pourrait indiquer un lien fonctionnel entre la fosse et les structures à pierres chauffées. L’occupation du début du premier âge du Fer de l’Espougnac est donc centrée sur la batterie de structures à pierres chauffées et sur la fosse polylobée. Ces dernières reflètent vraisemblablement des activités spécialisées, qui prennent place en dehors de l’habitat.

Un bâtiment sur poteaux de plan rectangulaire d’environ 38 m², auquel est adjointe une palissade, a également été mis au jour dans la partie centrale de l’emprise de fouille. La céramique associée et le plan du bâtiment incitent à proposer, pour ces ensembles, une datation à l’âge du Bronze ou à l’âge du Fer.

Quelques structures ont été attribuées aux périodes historiques au sens large. Une fréquentation du site durant l’Antiquité trouve par ailleurs un écho dans la présence d’un fragment de céramique sigillée et d’un bord de tegula. Les époques moderne et contemporaine sont quant à elle largement représentées par des fossés matérialisant des limites cadastrales disparues ou actuelles, ainsi que par un ensemble de fossés et de fosses de plantation liées à l’exploitation arboricole des parcelles.

INTERVENANTS :

Aménageur : Urbasolar
Prescripteur : DRAC – SRA Provence-Alpes-Côte d’Azur
Opérateur : Paléotime



AMÉNAGEMENT :

Parc photovoltaïque



LOCALISATION :

 



RAPPORT FINAL D’OPÉRATION :

Référence bibliographique :
CURÉ A.-M. (dir.), AJAS PLANTEY A., BATTENTIER J., BOULBES N., CHÂTEAUNEUF F., DEPARNAY X., GARNIER N., LAFONT V., PINAUD-QUERRAC’H R., RECCHIA QUINIOU J., RUÉ M., TERROM J. — L’Espougnac à Meyrargues (Bouches-du-Rhône). Des occupations néolithiques et protohistoriques, Rapport final d’opération, Villard-de-Lans : Paléotime, 2023, 2 vol., 980 p.

 
← Retour à la liste des fouilles préventives