ZAC des Studios et Congrès (Chessy, Seine-et-Marne)

 

A l’issue des études menées sur le site de la « ZAC des Studios et Congrès » sur la commune de Chessy (77, Seine-et-Marne), plusieurs occupations ou indices d’occupation d’âge très différent ont été mis en exergue, témoignant de la pérennité de l’implantation humaine sur le territoire. La fouille de 20230 m² a eu lieu du 04 avril au 08 juillet 2016, sous des auspices climatiques extrêmes, entre chaleur et sécheresse et inondations.

La Préhistoire ancienne est illustrée par une lame du Paléolithique supérieur et un petit nucléus à lamelles du Mésolithique. Ce n’est qu’en plein développement du Néolithique moyen que l’homme marque le territoire de façon plus visible, en s’y installant pour tailler du silex. Cinq amas de façonnage de lames de haches ont été découverts sur l’emprise de fouille, en partie conservés. En effet les études taphonomiques et archéologiques montrent que ces amas sont tronqués mais que ce qui reste est parvenu dans des conditions relativement bonnes, sans être trop altéré et plus ou moins en place.

Ces amas comptent près de 18000 artefacts tout type confondu et plus de 55000 esquilles et débris de très petite taille. Les ateliers sont entièrement dévolus à la fabrication d’ébauches de lame de hache ; il n’y a pas de débitage à usage domestique. Le silex travaillé est le silex tertiaire du Bartonien, sous la forme de nodules plats, voire de plaquettes, provenant d’un gîte d’extraction. Cette matière première est très proche des matériaux extraits du bancs principal des minières de Jablines, mais sans qu’il soit possible de l’affirmer en l’état actuel des études pétrographiques. Toutes les étapes du façonnage sont présentes à Chessy, depuis les éclats d’entame totalement corticaux (stade 1) jusqu’aux petits éclats de finition (stade 3). Tous les types de percussion, minérale, organique et indirecte, sont attestés dès les étapes initiales du façonnage. Les techniques de taille croisées avec les regroupements des déchets selon les familles de matériaux documentent la présence de plusieurs mises en œuvre correspondant à des tailleurs différents ou obéissant aux contraintes du matériau travaillé. Une partie des produits est exogène, apportée par les tailleurs, d’un autre lieu de travail ou de l’extérieur à la zone. la rareté des ébauches abandonnées en cours de façonnage suite à des accidents de taille prône pour un bon à très bon niveau de savoir-faire des tailleurs de Chessy.

La répartition des étapes de façonnage au sein des amas montre qu’il y a sans doute des spécificités dans les lieux de taille, avec un amas principal consacré d’avantage aux étapes initiales de la mise en forme, puis des endroits où la régularisation tient une place dominante et enfin au moins un autre lieu où les étapes de finition sont majoritaires. Ces hypothèses sont à prendre avec prudence puisque l’image globale de ces ateliers est tronquée par une longue histoire post-dépositionnelle naturelle (ruissellement ?) et anthropogénique (aqueduc, drains). L’attribution chronologique de ces amas est délicate, en l’absence de tout autre vestige datant comme la céramique. Les tessons découverts au sein des amas sont peu nombreux et ne permettent pas de restituer de forme, outre le fait que se pose la question de leur association réelle avec les amas. A titre d’hypothèse de travail, les amas de Chessy s’inscrivent parfaitement dans une gestion du territoire commune et organisée – dont il reste à prouver la contemporanéité – avec présence d’une enceinte, de gîtes d’extraction, d’ateliers de taille et d’habitats, voire de sépultures, située au Néolithique moyen II avec d’éventuels prolongements au Néolithique récent. Si cette hypothèse paraît raisonnable, il est par contre plus hasardeux de proposer un rattachement culturel car cette aire géographique subit des influences de groupes divers, entre Michelsberg, Chasséen septentrional et groupe de Noyen.

C’est à l’âge du Bronze final au plus tôt que s’implantent des unités rurales à vocation agricole. Cette époque est documentée par une seule date radiocarbone sur une structure peu diagnostique, de type trou de poteau et une série de tessons épars ou piégés dans des structures plus récentes, témoignages indirects de l’essartage et de la culture sur brûlis. Deux silos et deux puits, ainsi que quelques éléments de parcellaire attestent de ces occupations pérennes entre la fin de la Protohistoire ancienne et l’Antiquité. Un puits daté par les charbons de bois de son contenu du IVe-IIIe siècle AEC a reçu un dépôt faunique comprenant des éléments de divers espèces, mais surtout un jeune équidé portant des marques de décarnisation. La majorité des structures conservées sur l’emprise ont en commun la présence de petits blocs brûlés de calcaire et de fragments thermofracturés de meulière. Le mobilier est rare et peu diagnostic. Une petite fosse antique contient un rejet d’incinération, esquilles d’os humains carbonisés, pièce de monnaie, clou, fragments de céramique. La plupart des structures sont isolées, limitant les attributions chronologiques et les interprétations spatiales. Les datations radiocarbone et quelques éléments de mobilier céramique atteste d’occupations du Premier et du Second âge du Fer.

A l’image des autres sites diagnostiqués ou fouillés sur les communes environnantes, le site de la « ZAC des Studios et Congrès » a livré plusieurs tronçons de fossé jetant les premières bases d’un aménagement du territoire, divisé en parcelles agricoles et dont l’origine remonte à l’âge du Fer au moins. Malgré une segmentation importante de ce réseau sur l’emprise, il est possible de cerner plusieurs systèmes par les orientations et les recoupements stratigraphiques. Malheureusement et même en l’intégrant aux autres segments découverts au diagnostic, une date précise des évènements est impossible. Un fossé antique, en partie dédoublé participe à la gestion des eaux pluviales et souterraines et est à mettre probablement en relation avec une dépression/mare selon un système connu dans la région et particulièrement bien étudié sur les communes voisines de Montévrain et Jossigny.

Mis à part les amas de façonnage du Néolithique, l’autre intérêt du site est la découverte inattendue d’un aqueduc souterrain drainant les eaux du plateau à plus de trois mètres de profondeur. L’ouvrage est maçonné en pierres sèches et les panneresses sont constituées essentiellement de dalles de meulières locales. Deux regards ont été repérés sur et hors emprise, témoignant de la qualité de l’ouvrage par des cheminées rectangulaires et soigneusement ragréées. Le canal souterrain est également soigneusement bâti, avec deux à trois assises de dalles disposées en léger encorbellement. Le mode de construction de la sole est impossible à déterminer, car cette dernière est recouverte par plusieurs croûtes de calcaire et l’eau circule en permanence dans cet aqueduc encore actif. Le canal est coiffé d’une rangée de dalles plates posées transversalement, puis étanchéifié par une chape argileuse avant le comblement du fossé de fondation par les sédiments encaissants. Son tracé est rectiligne menant vers les fermes du château de Chessy. Les travaux de construction du château, l’aménagement d’un parc d’agrément et l’extension des terres agricoles comme des vergers suggèrent indirectement que cet ouvrage a dû être installé dans le courant du XVIIe siècle, au plus tard au XVIIIe siècle lors de l’agrandissement de la propriété.

Le site de Chessy contribue ainsi modestement mais de façon tangible à l’histoire de l’impact de l’homme sur son territoire depuis les ateliers de façonnage de lames de hache au Néolithique, jusqu’à la construction d’un ouvrage d’art souterrain à l’époque Moderne. Exception faite des ateliers, même les unités agricoles de la Protohistoire témoignent dès cette époque de la récurrence des problèmes d’eau et du drainage des sols sur le plateau briard.

Après libération du terrain, celui-ci a été aménagé en site d’entraînement pour Euro Disney, qui a intégré la conservation des regards de l’aqueduc souterrain, en installant deux accès fermés par une trappe-tampon.

INTERVENANTS :

Aménageur : Marne-la-Vallée / EPA France
Prescripteur : DRAC – SRA Île-de-France
Opérateur : Paléotime



AMÉNAGEMENT :

Parc EuroDisney



LOCALISATION :

 



RAPPORT FINAL D’OPÉRATION :

Référence bibliographique :
HAUZEUR A. (dir.), AJAS A., BELLAVIA V., DELVIGNE V., FERNANDES P., LETHROSNE H., MARTIN L., MONIN G., RENAUD A., ROSART A., TALLET P. – Chessy – « ZAC des Studios et Congrès » des ateliers de taille néolithiques à l’adduction d’eau, Rapport final d’archéologie préventive, Paléotime, SRA Île-de-France, 2 vol., 553 p.

← Retour à la liste des fouilles préventives